Lee Maracle et Josephine Bacon en conversation à La Petite Librairie

May 3, 2019

Lee Maracle et Josephine Bacon en conversation à La Petite Librairie

La soirée débute dans la bonne humeur, avec une explication du dispositif de la conversation : Joanie Demers, traductrice du Chant de Corbeau traduit discrètement du français à l'anglais pour Lee Maracle, et Catherine Ego, traductrice, anime l'échange et traduit en français pour Joséphine Bacon, en français. L'échange ouvre sur le sujet la langue et de l'importance qu'être traduite occupe pour chacune. Chacune parle que rejoindre un plus grand public et de partager leur oeuvre est essentiel. À la deuxième question (pourquoi écrivez-vous?) Joséphine Bacon explique qu'elle a commencé à écrire en français pour les personnes qui ne parlaient pas le français autour d'elle, principalement les personnes âgées. Elle écrit également en innu afin de protéger cette langue qui est en train de disparaître. La poète nous dit d'ailleurs que cette langue est principalement orale, et qu'elle a été tout récemment dévelopée en écriture. Elle a donc dût l'apprendre elle aussi. Lee Maracle, elle, a commencé à écrire à l'âge de 9 ans. Elle a commencé à écrire avec sa famille, avec son père, et plus tard, avec ses filles. L'écriture pour elle est un acte collectif. 

Ensuite, on a eu droit à des lectures très spéciales. Chacune a lu de ses oeuvres dans sa langue, puis à lu une traduction de l'oeuvre de l'autre dans sa propre langue. 

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Au sujet de la reconciliation, et du rôle de l'écriture à ce sujet, Lee Maracle a tenu un discours très engagé à propos de la situation des premières nations, en faisant le parallèle avec l'apartheid. À l'époque, lorsque les politiciens canadiens se sont engagés contre l'apartheid, ils se sont fait rappeler que le concept avait été d'abord emprunté de chez eux, au Canada.  Les canadiens ont été (et sont toujours) tenu dans l'ignorance au sujet du colonialisme violent et des inégalités choquantes qui sont toujours présentes sur le territoire canadien. L'écriture, dans ce cas, n'est vraiment que le début de ce processus, en donnant une voix aux communautés qu'on a tenté d'effacer. Joséphine Bacon a également parlé de l'acte d'écrire comme une première étape de cette réconciliation éventuelle, car pour qu'un processus  s'enclenche véritablement, il est nécessaire qu'on apprenne à connaître humainement les différentes communautés, et ainsi, qu'on ait de l'empathie et un réel engagement.


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Catherine Ego demande ensuite aux deux auteures si elles considèrent qu'elles écrivent du point de vue d'une femme? Pour Joséphine Bacon, l'écriture est tout d'abord une confidence qu'elle se fait à elle-même, et ensuite, qu'elle dirige à qui elle souhaite partager. Elle parle pour les ancêtres et les aieux, elle voit son écriture comme le transfert et le partage de leur parole. Lee Maracle, elle,  dit que son point de vue est celui d'une femme car elle parle de la communauté, de guérison, du point de vue interpersonnel et intime, tandis que les écrivains mâles parlent plutôt de politique dans les grandes lignes.

Finalement, en répondant à une question du public, Lee Maracle parle de l'importance de montrer l'exemple à ses enfants et de les laisser prendre leurs décisions, afin qu'ils puissent se sentir puissants, et ainsi, le devenir. À propos des identités 'two-spirits', de sexe et d'identité, elle nous rappelle à quel point le concept d'imposer à quiconque des lois sur l'intimité, sur avec qui nous avons le droit de fréquenter ou de coucher avec, est extrêmement violent. 

Nous remercions Lee Maracle, Joséphine Bacon, Catherine Ego, Joanie Demers ainsi que Mémoire d'Encrier pour cette soirée riche et chargée.


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Catherine Debard

Bookseller | Libraire