Coup de coeur surprise avec cette nouvelle parution chez Semiotext(e). L'écriture de Heike Geissler est absolument hypnotique, d'une rare élégance, finesse et acuité. À la suite d'une période financièrement difficile, l'auteure a dû travailler pour la compagnie Amazon à Leipzig pour un poste saisonnier. Elle relate l'expérience en passant du 'je' au 'tu',en brouillant les rôles et les perceptions. Le lecteur se trouve complètement absorbé par le récit, découvrant en détail cette méga-entreprise au fonctionnement secret. Se retrouvant à la place de l'auteure, il est parfaitement facile de s'identifier au personnage, avec ses réflexions, à la fois drôles et déprimantes  sur la société, le travail et l'argent.

Une lecture intelligente, enrichissante, et franchement hilarante, 'L'Origine du Monde' (ou 'Fruit of Knowledge', dans cette nouvelle traduction anglaise) est un ouvrage qui parle du vagin et de la manière dont le patriarcat l'a traité depuis le début des temps. On y observe son histoire (et par le fait même, l'histoire de la femme), d'un point de vue médical, psychologique, social, sexuel... Beaucoup d'informations synthétisées de façon à nous faire rire, tout en nous faisant enrager.

La force du langage. Ce recueil de poésie est d'une puissance déconcertante. On y traite de la mort sous tous ses angles, sans jamais, pourtant, tomber dans la sentimentalité. Les mots tranchent, sculptent, dépeignent des tableaux saisissants à couper le souffle, comme si l'on entrevoyait furtivement un autre monde spectral, sombre, un monde qu'on éviterait habituellement mais qui s'ouvre pour nous de façon si délicate qu'on a envie de s'y aventurer.

Un portrait glacial de notre époque post-vérité et de la montée au grand jour d'une contre-culture de droite extrémiste et d'internet trolls. On y parle de violence, de préjugés, de manipulation, d'isolement. Les dessins sont froids, minutieux, les personnages n'ont aucune expression ou émotion apparente, un peu à la manière d'un pamplet de sécurité. Nous empêchant de tomber dans le mélodrame ou la victimisation, l'auteur nous impose une lecture analytique et détachée, profondément troublante.

Dans un Japon post-catastrophe complètement isolé du reste du monde, les enfants n'ont jamais connu la nature ou la vitalité, leurs corps sont trop faibles pour être autosuffisants ou même connaître les bonheurs simples de la vie. Ils sont l'incarnation même de la résilience et de la sagesse. Les personnes âgées sont les seuls êtres humains en santé, ils s'occupent des enfants, ils sont pleins de vie, imparfaits, dynamiques.  'The Emissary' est une histoire toute simple de quotidien, empreinte de poésie et de mystère, délicieuse pour l'imaginaire et légèrement inquiétante. 

Enfin traduit en anglais, le premier roman de Jenny Hval est captivant. On reconnaît l'atmosphère lugubre et sensuelle qui teintera par la suite sa carrière musicale. Le ton est inquiétant et hypnotique. On se sent absorbé, presque étouffé par le foisonnement d'informations sensorielles et par la description claustrophobique de la relation fusionnelle qui y est décrite. Un rêve à la fois lascif et cauchemardesque, 'Paradise Rot' se vit, s'expérience. 

'La Septième Fonction du Language' est une aventure intellectuelle hilarante. Le récit se développe autour de l'hypothèse selon laquelle Roland Barthes, au-lieu d'avoir été tué dans un accident de voiture, aurait été assassiné car il aurait découvert une loi de la dialectique qui pourrait potentiellement être dangeureuse pour l'humanité. Mettant en scène des versions caricaturales absurdes de sémiologues et linguistes connus tels que Derrida, Foucault, Kristeva, Sellars, 'La Septième Fonction du Language' est un polar léger et ludique remplis de rebondissements.

Une histoire d'amour, une histoire sur le thème de l'amour, onirique, kaléidoscopique, imprévisible. L'écriture est truffée de réflexions sublimes dans toute leur simplicité. L'histoire surprend constamment, joue avec les attentes et perceptions, mais le ton est posé, délicat, doucement enjoué.