Here are my favorite reads of the year, 15 titles that I particularly enjoyed, a French and English mix of fiction, non-fiction, poetry and obviously, comics!

Collages, photographies, questionnaires, retranscriptions quasi théâtrales d'entrevues familiales: autant de médiums pour reconstituer la figure du père disparu. Céline Huyghebaert, dans sa frénésie documentaire, explore sans pudeur le vide désarmant laissé par le défunt, les regrets et la culpabilité assaillant l'endeuillée. Le drap blanc est une réflexion sur la mort, sur l'image et les mots comme tentative d'endiguer la disparition. La démarche artistique, inscrite dans les mythologies personnelles dans la lignée de Christian Boltanski et Sophie Calle, questionne également la violence de classe, rappelant Édouard Louis. La mise en récit de la perte, expérience à la fois intime et universelle, est ici aussi brillante qu'émouvante.   

Daã nait dans un décor de mousses et de taïga, au temps indéfini du charbon et des morts nombreuses. Héroïne flamboyante, elle parle de la nature, à la nature, ou l'incarne pleinement tant elle communie avec celle-ci. Elle semble fille du vent, née de rhizomes plutôt que d'un ventre de chair. Des mères elle en a pourtant plusieurs, vingt-quatre soeurs silencieuses et amies des plantes, qui accueillent les femmes blessées, prennent soin des leurs et transmettent les savoirs ancestraux. L’enfant sauvage devenue femme leur échappe lorsqu’elle croise le chemin de l’hiver en la figure du médecin de la mine, dont la pâleur lactescente appelle la noirceur terreuse de Daã. Mais elle est trop libre et plus grande que son destin. Elle est femme-forêt, sorcière, botaniste, à la fois animale et végétale. Avec le plus abouti de ses romans, Audrée Wilhelmy continue de tisser les fils d'un univers sauvage et intemporel, profondément singulier dans le paysage littéraire actuel.

Dans une cour d'école d'Hochelaga, les bancs de neige cachent des fontaines de fudge, les élèves revendent les pilules de leurs parents dépressifs, un robot erre dans les égouts de la ville suivi par un enfant halluciné, un géant muet, et une tripotée d'hurluberlus qui tentent de refaire le monde dans une commune à grands coups de comités, sous la surveillance étroite d'une police inefficace. Il faut embarquer à la suite d'Arthur dans ce périple farfelu, aux aventures improbables et à la langue truculente, où les sains d'esprits ne sont pas toujours ceux que l'on croit. Simon Leduc s’amuse autant avec le fond qu’avec la forme dans une parodie punk et éclatée du récit d’aventure, et signe un des romans québécois les plus rafraîchissants de l'année.

Nino compte les euros et les trous du plancher dans son appartement, avec pour seul point de lumière, son amour pour Lale, et les nuits parisiennes comme échappatoire. Il faudra lire au-delà du portrait générationnel un récit de la marginalité, de ceux pour qui se prêter au jeu du capitalisme est synonyme de soumission, un manifeste pour l'anticonformisme et un hommage aux acteurs de l'ombre, ceux que le système invisibilise pour sauver nos consciences. Nino c'est votre caissier.e, votre Uber, votre livreur.se à vélo. Son amour fulgurant, autant de vies humaines nichées derrière la précarité. Un roman d'une lucidité tranchante, où se côtoient trivialité, lyrisme amoureux et poésie urbaine, dans une langue incisive, outrageusement contemporaine. 

Mrs. Duszejko spends her days walking in the woods observing the wildlife around her little house in the mountains, translating William Blake, studying planets and astrological charts. When hunters are found dead in the forest one after another under strange circumstances, she starts claiming that animals are finally taking their revenge on humans. Through a gallery of vivid characters surrounding our eccentric old lady, an entomologist obsessed with larvae, a drunk dentist, an old grumpy yet endearing neighbour or an old writer, we go back and forth between isolated mountain wanderings and the colourful daily life of a small Polish village. Nobel winner Olga Tokarczuk makes us question the frontier between madness and sanity and offers a meditation on life and death. It's a book that is an ode to nature and a delightful mystery novel with a cosmic twist. A perfect winter read!

Night Sky with Exit Wounds was an incredibly powerful debut poetry collection that earned Ocean Voung the Whiting Award and the T.S. Eliot prize. His first novel is just a remarkable. Writing to a single mother who cannot read, a son reflects on love, compassion, race and masculinity, and interconnecting colonial and personal history. Vuong’s luminous and graceful writing makes you want to read every sentence over and over, as it is so deeply thought through and charged with emotion. A beautifully haunting book.

Le Tripode poursuit son entreprise de publication des oeuvres complètes de Goliarda Sapienza avec ces presque cinq cent pages de carnets, une incursion inédite dans l'univers de l'autrice de L'Art de la joie. Durant les ving dernières années de sa vie, elle livre dans ces carnets les affres du doute et de la dépression, explore la noirceur comme composante inévitable de l’existence, moteur de réflexion et de création. Sa plume limpide et sans compromis offre un éclairage intime sur une oeuvre féministe incontournable, et sur la vie intérieure d'une femme atypique, farouchement éprise de liberté.

Mémoire d'Encrier nous fait le cadeau cette année de rééditer l'essai de la première autrice innue, An Antane Kapesh, une édition bilingue dans une traduction révisée et dotée d’une préface de Naomi Fontaine. Même si pour cela elle doit utiliser l'outil du Blanc, l'écriture, ce qu'elle ne manque d'ailleurs pas de souligner, Kapesh livre un plaidoyer pour la protection de sa culture et surtout une condamnation sans appel de l’appropriation blanche des terres et de l’Histoire avec un franc parler désarmant. Écrit en 1975 et épuisé depuis des années, ce livre est un incontournable, à lire, à relire et à partager.

Prenant le contre-pied de la dictature de la maternité heureuse, Anne-Marie Desmeules s'attache au revers de la parentalité. Entre rejet, joies partagées, amour viscéral, amour aliénant, elle explore la multitude d'émotions que peut susciter la responsabilité d'un enfant, dans un recueil aux accents de catharsis, à la fois dérangeant et plein d'humour.

Il y a dans ces Chansons transparentes quelque chose de mystique, dans cette poésie contemplative, où domine l'attention au détail, d'où émane une douceur parfois teintée d'angoisse. Moments de quiétude solitaire, de nature sereine, sont traversés par la fulgurante euphorie que provoque le désir, l'amour ou l'amitié. On sort de ce recueil lumineux comme lavé de la laideur du monde, et avec une certitude, Jonas Fortier maîtrise l'art de la joie.

After leaving her native Poland for different European cities, Daria moves to Sweden to attend an art school. As she tries to build a new life she faces the harsh world of cheap labour. We follow her as she establishes herself in a new community, the artsy/alternative punk rock scene in Malmö, and struggles to make a living working several jobs illegally, among which at an Indian restaurant where she works under the table as a waitress for below minimum wage. Revolted by her condition and the even worse one of the non-white coworkers, she joins an union and starts fighting for fair pay. Shining a light on the unfair balance of power between employees and employers when it comes to the fight for decent conditions, and denouncing the vulnerability of undocumented migrants, the book is a reminder that every worker, legal or not, has rights and should stand up for them. An accurate portrait of a precarious generation, beautifully drawn in sharp black and whites tones reminiscent of Satrapi, Wage Slaves is a promising debut and a strikingly engaged graphic novel about resistance, social justice, community and solidarity.

On the path of Tove Jansson, creator of the beloved Moomins, Julie Delporte finds herself reflecting on womanhood, feminism, solidarity and creativity. From Finland, to France or Belgium, Delporte intertwines her own personal reflections and traumatic memories with biographical input of Tove Jansson’s life, giving a series of raw but delicate, colorful snapshots in pencil drawings. Originally in French and published in English this year by Drawn & Quarterly, what was supposed to be a documentary project became a reflective, soothing and intimate graphic novel that should be kept close like a dear friend.

Lele is a twelve-year-old reckless poet taking care of her mother, a gigantic and needy cursed woman addicted to a mysterious potion that she can only get for her from Baba Yaga, the cynical, depressed witch who has a mysterious link with Lele’s mother condition. A weird, dark, tale of witchcraft and poetry evoking the surreal world of Miyazaki and magnified by Mathilde Van Gherluwe's drawing, where textures, shadows and lights magnify perfectly the oddity of this strange world.

Set in a circle of social justice activists in an undefined near future, we follow Hannah as she attempts to get pregnant. Living in a truck with her husband while he builds their house, she shares her time between her daily job as a home-health worker and the meetings and protests she attends with fellow activists and friends as they fight for a better society. Depicting characters with all their flaws and a range of emotions from sadness and anxiety to fear or violence, Eleanor Davis draws both anger and tenderness with a very human eye. As Hannah tries to get pregnant, the tricky question of whether to bring children into a world with such an uncertain future arises, particularly in regard to political commitment. Why and for whom are we fighting if not the ones who come after us? Between intense riots scenes and intimate moments between lovers and friends, The Hard Tomorrow is as much a condemnation of police brutality, racist America, and a more and more repressive state as it is in-depth thinking on the beauty of collective action, what drives us to stand against oppression, and our responsibility as humans, friends and (future) parents.

“Ils enfermèrent ma tête infinie dans un cercle étroit..." (Visions des filles d'Albion, William Blake). Ainsi s’ouvre cette bande dessinée consacrée à six figures de l’Art brut, longtemps qualifié d’“art des fous”. Ayant vécu à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, une période caractérisée par l’exclusion des plus démunis, femmes, pauvres et malades, et la prolifération d’institutions parachevant l’ère du “grand renfermement”, ces six hommes et femmes ont commun leur non-conformisme et d'avoir, sans aucune formation ni culture artistique, développé une production abondante dans les domaines de la peinture, la sculpture, le textile ou la musique. En opposant l’enfermement symbolique et physique des individus à un espace mental libéré, à la pureté d'une inspiration quasi mystique, Enferme-moi si tu peux offre une plongée foisonnante dans la créativité infinie et la psyché mystérieuse de ces artistes pour certains méconnus.