Voici mes lectures préférées de l'année 2021! Une très belle année littéraire, d'après moi...

Tableau final de l’amour - Larry Tremblay

Le Tableau final de l’amour de Larry Tremblay est à l’image des peintures de Francis Bacon : il est brutal, cru, terrible et magnifique. La plume de Tremblay est inimitable; son portrait de Bacon - de sa vie, de son oeuvre, et de sa relation tumultueuse avec son amant, George Dyer, rend hommage non seulement au peintre, mais aussi à l’art et à ceux et celles qui font d’elle le noyau de leur existence. Un très grand livre.

The Jasmine Throne - Tasha Suri

Au nombre de livres que je lis par année, je n’ai pas toujours le temps de lire des briques (voir: n’importe quel ouvrage comptant plus de 500 pages), mais, en voici une que j’ai lue frénétiquement en quelques jours…Premier tome d’une trilogie de fantasy féministe et queer, on y découvre dans un décor indien les destins interreliés de Malini et Priya. La première est une princesse impériale dont l’empereur-frère cherche à se débarrasser afin d’instaurer un régime politique misogyne, et la deuxième est une servante, dont les origines demeurent mystérieuses, qui est attribuée à Malini. Le roman fait récit de leur amour naissant sous ce régime opprimant en interrogeant les nombreuses barrières de classe, de race et de capacitisme entre les deux femmes. L’intrigue est hyper intéressante (j’en dis moins afin de ne pas divulgâcher trop!!) et le monde ainsi que les personnages secondaires sont complexes, riches et se contredisent de façon totalement humaine.

Milk Fed - Melissa Broder

Milk Fed m’a surpris - sa tendresse m’a ému. Peut-être parce que je ne m’y attendais pas - le roman précédent de Broder (que j’ai adoré!)The Pisces, est cruel et pessimiste.

Milk Fed fait récit d’une rencontre salvatrice entre la narratrice, Rachel, une jeune femme juive non-pratiquante ayant un trouble alimentaire qui régit entièrement sa vie, et Miriam, une juive orthodoxe qui l’invite à partager sa vie familiale. À travers le monologue déjanté de Rachel nous accédons aux péripéties de cette relation et de ses effets cathartiques sur Rachel. Drôle et souvent absurde, le livre est empreint d’une grande sensibilité. 

Avertissement: Ce livre contient des propos qui pourraient être triggering pour des personnes sensibles aux enjeux de santé mentale et particulièrement aux problématiques alimentaires.

Highlands - Fanie Demeule

Nothing but Blackened Teeth - Cassandra Khaw 

Depuis l’an passé, je me découvre une passion pour l’horreur littéraire. J’apprécie particulièrement ces récits où règne une ambiance glauque, ambiguë et confuse - et où sont centrales des personnages féminins nuancés. Dans Highlands de Fanie Demeule, trois récits de femmes s’entrecoupent et se rencontrent de façon inattendue. De sa plume incisive, l’autrice interroge et complexifie les concepts de la maternité, de la monstruosité et de l’acte d’écriture au sein d’un décor écossais sinistre. 

Cassandra Khaw, de sa part, fait appel aux yokai issus de la mythologie japonaise et éclate les codes propres aux récits d’horreur se déroulant en maison hantée. L’écriture de Khaw est particulière; iel a une manière de décrire le mouvement qui sort de l’ordinaire. La physicalité qu’iel donne à toute chose dans son écriture imbue le roman d’une étrangeté qui m’a fait frissonner…

Sorrowland - Rivers Solomon

Troisième roman de l'auteur.e Rivers Solomon, Sorrowland a comme protagoniste la jeune Noire albinos Vern, dont l'histoire débute lorsqu'elle s'enfuit de la commune nationaliste Noire dans laquelle elle a grandi jusqu'à ses 15 ans. Les raisons de sa fuite sont autant nombreuses qu'elles sont mystérieuses: la commune a rehaussé des aires de culte, la religion prend énormément de place, et, pour une raison que personne n'arrive tout à fait à cerner, le corps de certain.es des habitant.es mute en quelque chose qui n'est pas tout à fait humain...

Sorrowland a comme problématique centrale le trauma intergénérationnel ainsi que l'amour queer et la facette monstrueuse (ici, littéralement et métaphoriquement) de la maternité. L'écriture de Solomon est puissante; iel aborde ces thématiques avec autant de délicatesse que de rage, ce qui rend le roman immensément touchant.

Lore Olympus - Rachel Smythe

J’ai dévoré quasiment d’une traite ce webtoon hebdomadaire de Rachel Smythe! Le premier tome imprimé de la série comprend les 25 premiers chapitres du webtoon, soit la rencontre d'Hadès et de Persephone. Le dessin de Rachel Smythe est doté d’une qualité presque liquide, les personnages semblent fondre sur les pages et entre les cases de la BD. Le tout crée une atmosphère presque onirique, ce qui marche si bien pour une histoire concernant le panthéon complet de la mythologie grecque. L’histoire d’amour entre Hadès et Perséphone est ici insufflée d’une originalité rafraîchissante.

My Begging Chart - Keiler Roberts

Dans cette collection de vignettes inspirées de son vécu, l'autrice et illustratrice Keiler Roberts mise sur l'absurdité banale du quotidien. Y figurent des interactions (toujours hilarantes autant qu'elles sont sincères et tendres) avec sa fille préadolescente, des soupers de famille fades et des séances de thérapie sur Zoom. En arrière-plan, le spectre de la maladie chronique de Roberts (la sclérose en plaques) hante les microrécits sans prendre toute la place.

This is How I Disappear - Miron Malle

Gros coup de cœur pour cette BD de Mirion Malle! Il faut dire que j'étais déjà le public cible, car ce n’est pas tous les jours que le titre d’une œuvre est tiré d’une de tes chansons préférées (This is How I Disappear de My Chemical Romance). La BD traite d’enjeux de santé mentale, d’amitié, de féminismes, de trauma sexuel et de guérison de façon limpide et touchante. Chaudement recommandé.

Sellout - Dan Ozzi

Dans cet ouvrage à la fois exhaustif (dans le sens qu’il s’agit, en filigrane, d’une étude de l’industrie de la musique au sens large) et très pointu (dans l’optique où cette étude est menée à travers le prisme de plusieurs études de cas), Dan Ozzi interroge cette idée qui dérangeait au-delà de toute autre dans les scènes punk et emo des années 90 and 2000: celle du sellout. Le concept existe plus ou moins de nos jours (nous sommes plutôt dans une ère du sur marketing de soi et de son œuvre), mais il fut précédemment au cœur des communautés dont le DIY était l’éthos. En tant que personne dont le garde-robe contient plusieurs t-shirts de My Chemical Romance, j’ai trouvé le livre de Dan Ozzi engageant et divertissant. J'ai surtout apprécié la candeur de son écriture et sa capacité à peindre un portrait nuancé d’une époque importante pour la musique alternative.

La patience du lichen - Noémie Pomerleau-Cloutier

La patience du lichen est une suite poético-anthropologique qui narrativise plusieurs longs voyages qu'a entrepris l'autrice dans la Côte-Nord. Le texte est en soit une version altérée de ces trajets: de sa plume, Pomerleau-Cloutier rend chorale les voix et les histoires de ceux et celles qu'elle dit (et qui se disent) "Coasters". D'ailleurs, son œuvre leur est dédiée: "Aux Coasters, ces êtres à la résistance et à la beauté de lichen". 

Divisé selon les villes dans lesquelles elle se trouve, le texte fait valoir à travers le regard de la poétesse la joie et la mélancolie de ces communautés diverses: y sont mélangés à la voix de l'auteure les voix et le quotidien de Coasters francophones, autochtones et anglophones. D'ailleurs, bien qu'écrite majoritairement en français, l'œuvre comporte aussi des phrases en anglais et en innu. L'amour qu'a l'autrice pour ces communautés est tangible; la douceur de l'œuvre en est le testament.

Pomme Grenade - Elkahna Talbi

Petit recueil lu d’une traite! J’ai adoré la chaleureuse parole d’Elkahna Talbi. Dans Pomme Grenade, Talbi réfléchit l’amour, le désir, l’identité et la blancheur d’une plume incisive. Ces images sont parfois violentes, parfois drôles et souvent très belles: “ magnétique / je m’incline / conquise”. J’ai relu plusieurs passages plus d’une fois afin d’absorber la douceur et la beauté qui y est présente.